Odile Ghého
« Passionnément Rhuys »
Odile Guého enfant du Logeo née à Govéan est une passionnée de poésie et de la presqu’île. Nous vous proposons ici quelque-uns de ses poèmes. Son recueil est en vente chez l’artiste peintre Régine Corvec sur le port. Contacter Odile : 02 97 45 22 23
Jeanne Le Mithouard
Elle s’appelait Jeanne, du nom de la pucelle.
Et dans ses yeux brillait une même étincelle.
Elle n’entendait rien, juste le bruit du vent.
Son étrave, était lame, pourfendant le courant.
Armée de sa barcasse elle partait du Logeo
Pour aller jusqu’à Vannes chargée de ses ballots.
L’écume des tempêtes était ses blancs moutons,
Son « bateau destrier » enfourchait l’horizon !
Le tissu de sa voile valait pour étendard,
Impétueuse flamme de sa pauvre gabarre.
Solide fille de Rhuys, la vie en ces temps-là,
Se gagnait chichement, à la force des bras !
Alors qu’elle souquait dur par une mer agitée.
Elle entendit monter des cris de naufragés.
Faisant fi de ses peurs, son sang ne fit qu’un tour,
Elle vira aussitôt pour leur porter secours !
On l’amena à Nantes comme Jeanne à Orléans.
Elle fut impressionnée par le faste et l’argent.
Vêtue de son costume, de son beau tablier
Elle était à l’étroit dans ses jolis souliers !
Le pont de son rafiot était bien moins glissant
Que les parquets cirés de ce vieux monument.
Elle reçut la médaille des sauveteurs en mer
Et notre brave Jeanne s’en retourna très fière.
D’avoir été si loin et surtout de pouvoir,
Se découvrir enfin, dans d’immenses miroirs !
Elles s’appelaient Jeanne, de France et de Navarre
La Nôtre était « la France » notre Jeanne le Mithouard !
Cotriade de mots
Les pontons de la rade marquent un dernier tempo
C’est la fin des vents d’Est dans le port du Logeo
Pécheurs et plaisanciers ont déserté la cale
Le golfe est à la fête, les gréements font escale
Telle Shéhérazade envoûtante sultane,
La flottille au complet se voile et s’enrubanne,
Les drapeaux chamarrés ondulent sur les mâts
Des coques carénées, brillant de mille éclats
La vie qui se réveille accentue les échos
Du joyeux tintamarre à bord des sinagots
Les cotres en dimanche hissent leurs grands pavois,
Et la foule impatiente, se sent conquise, déjà.
Les barques qui se glissent dans le sillage blanc
Des canots à moteur aux francs-bords rutilants
Chaloupent un déhanché de danseuse orientale
La parade s’avance, altière et triomphale
Les avirons oscillent sur leurs tolets de bois
Tandis que la godille entraine de guingois
A l’horizon fleurissent en bouquets colorés
Les voiliers chatoyants remontant la marée.
En bordée, les marins entonnent les chansons
Des Cap’taines de l’île d’Arz et de leurs moussaillons,
« Fils du soleil » n’est plus, qui connût l’âge d’or
Des jours de dur labeur et du vieux Théodore
Le pays tout entier vit au rythme incessant
Des musiques joyeuses qui vont se succédant
Les binious d’un bagad sonnent à Saint-Armel.
Ce soir, l’accordéon fera danser les belles
On tranche le saucisson, on coupe les tartines,
Alléchant les cabots qui frisent les babines.
Les marins éméchés patinent sur la cale,
Regagnant leurs bannettes avec beaucoup de mal.
Les enfants étourdis de trop de liberté
Se frottent les paupières et se grattent le nez.
Les lumières s’éteignent et la fête est finie.
On aurait bien aimé qu’elle dure à l’infini.
Matelots en goguette, passagers insouciants,
Bénévoles au grand cœur, rêveurs impénitents,
Soyez les messagers du Celte Manaan,
Le Golfe est héritage mais aussi testament
Petit bois du Logeo
Ce petit bois d’amour n’en porte pas le nom
Il a connu fleurettes et ses défloraisons.
De celles printanières à celles primesautières,
De serments échangés sous les nuits étoilées.
Il a vu des conquêtes, il a vu des défaites,
Des promesses envolées, des trahisons salées
Il a vu les outrages, il a vu les ravages
Des chagrins de l’été toujours inconsolés.
Il a vu se nouer, sous un ciel amarante,
Des passions évidentes inscrites dans la durée.
L’écorce de ses arbres, comme gravées dans le marbre
Des initiales mêlées.
Amour ou amourette, c’est chaque fois la fête
Chaque fois qu’il fait beau,
Dans le bois du Logeo.
Régine, pour l’amour du Logeo.
Elle trempe son pinceau, dans des embruns salés,
Pour donner au tableau, plus d’authenticité.
De la terre de Sienne, elle n’en sait que le nom,
Elle fabrique ses ombres sur des lits de goémon.
Sa peinture animale est un attachement.
Un besoin viscéral de ce vieux Morbihan
Plantée dans le décor, rivée aux éléments,
Elle veille sur sa cale, comme on veille un enfant.
Poudre de coquillages ou de perlimpinpin,
Sa palette voyage en un seul tour de main.
Sentinelle éclatante d’un passage obligé,
Son Golfe se raconte, par touches colorées.
Ultime passerelle, d’un monde en devenir,
Elle sait rendre éternelles, les beautés à venir.
Ses gris de ciel plombé, déchaînent les orages,
Quand revient l’estivant, sur les bords du rivage.
Si un jour le Logeo, nous était raconté :
Il faudrait, sans, mesure, chez l’artiste, frapper.
Au gré des marées basses et des flots du jusant.
Qui pourrait mieux conter, un amour aussi grand ?
Les vieilles voiles de Rhuys
Elles vogueront longtemps sous le beau ciel de Rhuys
Les voiles éblouissantes, à la blancheur du lys.
A l’assaut des courants et des vagues éphémères,
Elles portent l’étendard du peuple de la mer.
Rythmées par les marins qui scandent des « hauts-hisse ».
Elles claquent fièrement en haut des mâts de Rhuys
Leurs lettres de noblesse, ne s’écrivent qu’en nœuds,
Et celui du courage, est l’alphabet de Dieu !
Ils ont mis sac à terre sur les quais de presqu’île,
Légers d’abandonner la cohorte des villes.
Serviteurs de tempêtes et d’embruns vivifiants,
Ils redonnent à nos ports leur noblesse d’antan.
Sans cesse sur les traces d’un passé hasardeux,
Ou la vie ne tenait, qu’au bon vouloir de Dieu,
Ils remettent à l’honneur ces grands et vrais métiers,
Nés du savoir de l’homme et d’essais, chers payés !
Pour perpétuer l’histoire des capitaines courage,
Les maillons d’une chaîne ne sont pas que mouillage.
Enfants de la grande côte, ou résidents de cœur,
Ils offrent à mon pays, compétences et labeur.
Tant qu’il y aura des hommes de bonne volonté,
Mon pays gardera son authenticité.
Aussi vrai qu’enchantaient, les sirènes d’Ulysse,
Elles remontent le temps, les vieilles voiles de Rhuys !